Recettes végétaliennes pour vivre 100 ans

Source, in «Le Néo-Naturien» n°22, août-octobre 1927

Le caractère primordial de l’alimentation végétalienne, c’est son principe d’infinie variété dans la composition des mets, assurant une digestion complète, parfaite.

La vérité alimentaire n’est pas dans la variété des plats, mais dans les plats de variétés : en voici la raison : L’estomac comprend des milliers de petis laboratoires stomacaux - de 220 à 250 espèces, suivant les auteurs - et chacun de ces laboratoires doit fournir, à toutes digestions, son indispensable principe d’élaboration nutritive.

Plus l’apport de ces principes est grand par la diversité, et plus le phénomène dit «des échanges» est complet. Le phénomène des échanges, comme un véritable mouvement d’horlogerie, fait se confondre, dans leur activité, toutes les fonctions organiques du corps humain en une harmonieuse condition de réciprocité. Ce phénomène, qui fera se tranformer et se reconstituer, eux-mêmes, les matériaux nécessaires à l’oeuvre de vie, n’aura son plein effet que si la diversité alimentaire a provoqué, dans son ensemble, le travail des laboratoires stomacaux.

Le secret d’une bonne santé, c’est manger infiniment varié dans un même repas, car les chimistes stomacaux ne travailleront qu’à l’essentielle condition qu’on leur fournisse les éléments propres à leur individuel labeur.

Celui qui mange un plat de choux ou de lentilles ou de pommes de terre, organise le surmenage intensif d’une partie restreinte de ses laboratoires stomacaux, pendant que la plus grande partie d’entre eux n’a pas mangé ni travaillé et se rebelle. Le plat unique, uniforme, voilà le danger !

Plus on mange d’un seul élément et plus on a faim. Par contre, plus un mets est vérié dans sa composition moins on doit manger et plus on a satisfait à toutes les conditions qui président à la vie matérielle et affective de l’homme.

La «Basconnaise», salade composite, complète, d’infinie variété

La salade basconnaise est composée d’aliments frais, vivants naturels et minéralisateurs : aliments de résistance, les uns, aliments accessoires, dit «condimentaires», les autres ; ces derniers n’entreront dans la composition du mets que pour une infime quantité.

Plus la variété des éléments sera riche et plus leur proportion diminuera.

La méthode d’infinie variété a pour avantage, le premier, de ne plus avoir à se préocuper de rechercher l’exacte nature et le véritable effet de tel ou tel aliment, réputé excellent par les uns, et proclamé dangereux par les autres. S’il fallait écouter les avis des «spécialistes» de la science alimentaire, on ne pourrait plus toucher à un aucun aliment : ils les ont tous condamnés.

L'examen de la valeur alimentaire, quant à soi, d'un légume ou d'un fruit - variant déjà selon le climat et les modes de cultures appropriées à chaque espèce - est logiquement impossible. Il faudrait, pour cela, connaître non seulement l'évaluation exacte de chaque élément, dans ses variétés, mais aussi connaître notre balance chimique, notre valeur organique propres et les influences salutaires ou morbides, qui font notre tempérament — cette contrefaçon de la nature.

Un tel examen, un tel contrôle, sont-ils possible, même au médecin, au chimiste ?

On peut dire, catégoriquement, non !

Le principe de l'infinie variété simplifie le problème alimentaire en ramenant tout à de justes et utiles proportions. L'infinie variété ne déclare aucun aliment naturel inférieur ni supérieur ; elle les sait indispensables l'un à l'autre, compléments l'un de l'autre ; sa méthode nous fait vivre de tout ce que la nature produit dans un jour, elle nous met en harmonie avec cette nature, car elle procède des lois universelles, des lois naturelles.

La salade basconnaise sera composée de toutes verdures potagères, de toutes salades et légumes verts coupés fins, après lavage soignée à l'eau salée d'abord, et rincés à l'eau courante.

Les racines crues : carottes, navets, rutabagas, radis noirs, panais, raves, betteraves, pommes de terre, topinambours, etc., simplement brossés - un légume, un fruit épluchés perdent jusqu’à 8 parties sur 10 de leur valeur nourricière - sans être épluchés, il seront donc nettoyés à la brosse à main dans l’eau courante, si possible, et coupés par le travers du fruit - afin que le fil soit coupé menu - avec un couteau de ferblanc, dit «couteau à la julienne», vendu communément 0 fr. 50 dans les bazars. Ce couteau, garni de petites encoches, produit une julienne qui fait s’entrelacer, dans un coloris appétissant, puis se confondre, tous les éléments en présence.

Le radis rose et le salsifis, seront coupés en petites rondelles à l’aide de l’extrémité du couteau, réservée à l’épluchage de la pomme de terre.

Les fruits, tels que tomate, melon, seront coupés fin en petites tranches, le melon, débarrassé de sa pelure ; le concombre, la pomme, ces deux derniers lavés avec soin et non épluchés, seront débités en julienne, pépins enlevés.

D’autres fruits tels la cerise - noyau sorti - la groseille à grappe, la framboise, l’amande, la noix, la noisette et le marron - ces quatre derniers coupés en petits morceaux - agrémenteront la basconnaise, suivant ce que la saison fournira de fruits.

Les légumes secs : haricots, lentilles, fèves, pois, cuits dans les soupes (au moyen de la boule à riz ou d’un petit sac de toile) seront ajoutés dans la proportion d’une cuillerée à bouche ou deux par personne.

Les haricots verts coupés fins, les fèves fraîches coupées en petits morceaux et le petit pois, peuvent entrer, pour une petite part dans la composition de la basconnaise.

Le chou-fleur (cuit et cru), les légumes verts cuits, les croûtons de pain au four - supprimant le pain sur la table - et la pomme de terre cuite (3 en moyenne par personne), seront également ajoutés.

Le blé grillé légèrement, passé au moulin à café, une cuillerée à bouche par personne, sera très goûté.

Toutes les variétés de choux crus, coupés très fins, sont tout spécialement recommandés pour leurs principes minéralisateurs ; le chou cuit est à écarter de la basconnaise.

Les amandes et le blé trempé dans l’eau avec quelques gouttes de jus de citron, pendant 12 heures au moins, et passés ensuite au hache-viande, font de la basconnaise un aliment complet, de soutien et de force. Condiments associés au choix : poireaux, ciboulette, oignons, ail - vert de préférence - pourpier, oseille, persil, cerfeuil, estragon, fenouil, sarriette, raiponce, pimprenelle, champignons crus et fleurs de trèfle, de sainfoin, luzerne ou capucines, roses, genêts, coquelicot, sureau.

La salade pourra être assaisonnée de citron en remplacement du vinaigre - quelques gouttes de vinaigre peuvent détruire une part importante des principes minéralisateurs - d’huile de bonne qualité, au choix des variétés, et de sel.

A «Terre Libérée», il entre, dans la composition de la «basconnaise» plus de 50 variétés sauvages, parfaitement connues des enfants élevés à cette école de la vie libre et innocente. La voilà bien la véritable libération : se nourrir d’abondance sans qu’aucune main mercenaire n’ait préparé les récoltes.

Un argument que la femme, irréfléchie, oppose à l'idée de la basconnaise et de la cuisine d'infinie variété végétale, c'est le temps qu'il faut donner à la préparation des mets.

Disons de suite, que nombre de végétaliens ne vivent que de basconnaise et de fruits très variés.

Et nous répondrons à cela, que l'argument ne porte que pour ceux qui n'ont pas de temps, soit qu'ils le gâchent ou qu'ils l'offrent stupidement à la rapacité de ceux qui les dupent ou les exploitent.

Le végétalisme donne largement du temps et le végétalien le consacre à sa vie, enfin saine, libre, utile et solidaire.

Si la femme dit gagner du temps en faisant cuire une entrecôte, un poulet, une cervelle, ou en présentant des huîtres, des confitures, du fromage, des pâtisseries, du café, etc., il lui faudra penser que son éternel exploité de mari, pour gagner toutes des saletés, en perdra, lui, du temps, de la liberté, de la dignité, de la vie, en entretenant, du même coup, les commerces et les industries ennemies de la vie, pourvoyeuses de la misère et de la guerre !

Pot-au-feu végétalien

Le pot-au-feu végétalien est fait de la même proportion d’eau que l’ordinaire pot-au-feu, qu’il remplace auprès des gourmets et des gourmands les plus difficiles, avec avantages nombreux et des plus inattendus.

Jeter à l’eau froide : laurier, romarin ou thym, ail coupé menu; puis à l’eau tiède : navets, carottes, topinambours, coupés en quartiers, chou-rave, radis noir, en rondelles minces, et céleri-rave et panais en julienne.

A l’eau bouillante : poireaux, bette, petits pois, haricots verts, fèves vertes coupées en petites tranches, oignons, salades, fans de carottes, de salsifis, de radis, de navets coupées menu.

Ajouter dans l’ordre, suivant saison : salsifis, pommes de terre, une pomme ou deux coupées en rondelles, potiron ou tomate, asperges, et en dernier : oseille, un cœur de chou éticelé, persil et cerfeuil.

Après cuisson de deux heures, maximum, et à tous petits bouillons, retirer les légumes, les mettre sur un plat et semer sur le tout : persil, ail, échalote, fenouil, pimprenelle, estragon, ciboulette, coupés fin et assaisonnés d’huile, de sel et de citron. Mélanger et servir chaud. L’hiver, le pot-au-feu pourra être préparé avec des légumes secs, mais la cuisson sera plus longue et débutera 35 à 40 minutes à l’avance par celle, spéciale, des légumes secs, trempés au préalable.

Le blé, doré au four ou à la poêle sèche, et ensuite passé au moulin à café, donne une agréable saveur au bouillon, tout en le rendant plus nourrissant.

Si l’on tient à donner le change et faire croire à l’ordinaire pot-au-feu, on pourra teinter le bouillon à la chicorée (qu’on peut obtenir soi-même en coupant de petites parcelles, grosses comme de petits maïs, de racine de pissenlit ou de chicorée sauvage, torréfiées au four ou à la poêle sèche et ensuite passées au moulin à café).

Le bouillon, servi après le plat de légumes assaisonné, l’huile restant au fond des assiettes, donnera l’illusion du bouillon de viande... du bouillon de cadavre plutôt.

Si l’on ajoute, au bouillon, 25 minutes avant de servir et par personne, une assez forte pomme de terre lavée avec soin, sans être épluchée, et râpée sur la râpe à sucre, on obtiendra une parfaite imitation du potage de tapioca (de tapioca non falsifié s’entend). Camarade Gaby, de Terre Libérée.

La choucroute végétalienne

À la demande de nos amis naturistes d’Europe centrale, nous avons étudié la possibilité de donner à ce plat un caractère le plus approchant de la choucroute ordinairement préparée. Nous avons eu le plaisir de recevoir, des plus difficiles amateurs de choucroute, les plus enthousiastes louanges pour la préparation de ce met nouveau, préféré à l’ancien, mais pas à la Basconnaise, qu’ils dénomment «la célèbre».

Mettre à la cocotte, dans quelques cuillerées à bouche d’huile blanche, une couronne de choucroute, afin de laisser un vide dans le milieu de la cocotte ; puis une légère couche de rondelles fines d’oignons et de carottes avec ail, laurier et romarin. Confectionner ainsi et successivement trois lits de mêmes éléments.

Durée de cuisson surveillée : 3 heures. L’huile ne devra pas fumer, ne pas carboniser ; la couronne devra être conservée pendant cette cuisson première.

Faire dorer à part : pommes de terres coupées en quartier, sans obtenir la cuisson complète ; les maintenir chaudes au four. Faire revenir ensuite : dés de rutabaga, quelques rondelles minces de céleri-rave, puis après quelques minutes, ajouter dans l’ordre : rondelles minces de radis noir, de navet, de topinambour ; oignon, échalote, ail, poireau, verdures et salades, le tout coupé menu, et ensuite : persil, laurier, romarin. Lorsque ces variétés sont revenues ou tombées, sans gratinage, ajouter très peu de farine, bien remuer le tout quelques instants sur un feu un peu vif, puis eau chaude pour obtenir, avec le fond, une sauce légère.

Quand tout est ainsi prêt, pommes de terre et fond, les verser en mélange dans le vide de la couronne de choucroute et continuer la cuisson 40 minutes environ. La durée totale de la cuisson est de 4 heures afin d’empêcher tout retour à la fermentation. Pendant les dernières 20 minutes, remuer tout le contenu de la cocotte et persiller, saler au moment de servir.

Tous les éléments dorés à part donnent à la préparation un bouquet des plus fins, rappelant par la saveur l’élément carné qu’on y chercherait. Afin de diminuer au possible et avant cuisson les chances de fermentation et le goût de saumure, laver la choucroute à travers une passoire, dans 8 à 10 eaux. Camarade Clémence de «Terre Libérée».