Ardoise 4

Les témoignages vivants

Louis Rimbault est mort en 1949. C’est un peu trop loin pour trouver des témoignages directs. Pour autant, certains ici se souviennent des commentaires de quelques Luynois ayant croisé son chemin.

Transcription

Le narrateur : Louis Rimbault est mort en 1949. C’est un peu trop loin pour trouver des témoignages directs. Pour autant, certains ici se souviennent de leurs parents, de leurs grand-parents et des histoires, des rumeurs qu’on leur racontait sur ce fameux Rimbault. Son voisin Bernard, âgé de trois ans à la mort de Rimbault n’a jamais oublié l’image du corbillard venu chercher son corps.

Bernard M : Ah ben oui ça je m’en rappelle comme si c’était hier hein… j’m’en rappelle j’les vois encore passer là… y’a des trucs qui marquent…. Oui, bien moi, je me rappelle de voir les chevaux passer là, des chevaux blancs en plus… là ils couraient un peu là, ils marchaient pas, ils couraient les chevaux et l’mien était noir, c’est ce que j’avais dit, soi-disant, je ne me rappelle pas de ça, mais ma mère m’a dit ça, le corbillard a passé là. Et puis par contre, quand il est reparti, il est reparti par ce chemin là qu’il n’avait pas le droit. Il n’avait pas le droit hein, c’est un chemin privé. Il n’avait pas à repasser par ici.

Le narrateur : Un autre voisin Michel se remémore les dires de sa mère, eux aussi habitaient une troglodyte, non loin de la colonie.

Michel R : J’ai entendu ma mère me le dire, qu’elle a entendu de ses grands-parents, déjà à l’époque. Il y aurait eu beaucoup de personnes qui seraient décédées là. Beaucoup de travail, travail de la terre afin de récolter terre, mais le lait, ça venait d’une vache. Donc il fallait tout ce qui était vivant il fallait pas y toucher… les œufs de poules, pas les poules, pas le lait de vache, parce qu’ils ne se nourrissaient que de racines, de plantes, que de ça… Racines de pissenlits, et que des trucs comme ça… ben les gens étaient, perdaient du poids et tout. Il y eut des morts…

Bernard M : Attendez on n’était pas du tout du même bord. Lui, il était végétalien à 100%, nous on était normal, normal quoi on mangeait comme tout le monde.

Michel R : Et ils appelaient ça la confrérie des non bâtisseurs. Comme il y a des maisons qui étaient commencées, jamais finies… Ils commençaient, et finissaient rien… Et pourtant c’était joli ce qu’ils faisaient et c’était costaud…

Le narrateur : On le perçoit, les relations entre ce personnage énigmatique et son voisinage sont complexes. EN ces années 20, les habitants de Luynes se demandent bien ce que ce Rimbault vient faire ici, et les plus grandes interrogations subsistent sur ce qui se passe là-haut, à la colonie. Pour autant, on ne va pas voir sur place, on reste en bas dans le village… et on déduit… Gilles se rappelle des dires de son grand-père…

Gilles F : Mon grand-père a toujours été ici, à Luynes et je me rappelle, quand j’étais gamin, me parler de ce fameux Rimbault ! Rimbault que tout le monde… pas craignait… mais on évitait… parce qu’il a vu une réputation un petit peu sulfureuse. Alors ça se disait, il y avait des bruits qui couraient… Déjà les bruits sur la réputation de Rimbault, ça, tout le monde le connaissait, son passé était connu à Luynes. Après, il y avait des bruits sur les pratiques un peu bizarres qui se passaient autour de la ferme. Bah, le naturisme à l’époque… Voilà… Dans les années, les années 20-30, ce n’était pas trop… ça courait pas… De temps en temps, il descendait parce qu’il allait chercher, je sais pas, la farine pour faire son pain, il avait quand même quelques courses à faire, mais quand on voyait Rimbault dans le village, on changeait de trottoir. Bon, les luynois, à l’époque, se méfiaient de lui. Alors peut-être parce qu’il avait des idées anarchistes… Ben il a quand même été dans la bande à Bonnot. Il avait une réputation un peu sulfureuse. Et puis on se demandait ce qui se passait aussi dans la ferme…

Bernard M : Y’a des moments qu’il était sociable… y’a des moments qu’il était sociable. Et puis des moments, il était invivable. Voilà ce que ma mère m’a dit. Elle était sociable avec nous, avec les gamins, les parents plus ou moins. Mais ça allait. Comme dit ma mère, il y a des fois et c’était. Et puis alors là, ça le prenait… Et là, d’ici, il allait à la préfecture, à Tours, à pied !!! Et des fois en courant même !! Ah ben c’est mon frère, il est beaucoup plus vieux, il l’a connu lui… Et attends là, il a bientôt, il a neuf ans de plus que moi. Il a connu ça, il allait là-bas et là, lui, il se rappelle de le voir aller à Tours à pied. Et des fois, il y allait en courant. Il avait même pas un vélo !!! Mais il avait des sacrés relations attention hein !!!! Et puis il était loin d’être bête ! Attention !! Très, très instruit, très très instruit.

Le narrateur : A la fin des années 20, Louis Rimbault donne tous les premiers jeudis de chaque mois à l’hôtel de ville de Tours, des causeries éducatives sur la santé. « Terre Libérée » possède même un stand à la Grande semaine de Tours, une foire agricole reconnue de l’époque. Et son discours semble séduire les gens de la ville.

Gilles F : Chose étonnante, les Tourangeaux qui venaient adhérer à cette philosophie, venaient par le tramway, parce qu’il y avait le tramway qui arrivait au centre-ville de Luynes et donc, tout le week-end, on voyait, paraît-il, un défilé de gens bien vêtus, bien costumés, avec leurs bagages pour le weekend et qui montaient à pied, passer le week-end à « Terre Libérée ».

Et les bourgeois de Tours venaient en Tram, donc venaient le samedi puis ils repartaient le dimanche soir. Ils passaient le week-end ici et donc il y avait un cortège devant 25 ou 30 personnes qui montaient et puis qui redescendaient… Alors ça intriguait les gens, qu’est-ce qui se passe là-bas ? Qu’est ce que c’est que ça ?

Bernard M : Après la guerre, oui, ça s’est calmé. Après la guerre ben il n’a pas vécu longtemps puisqu’il est mort en 49.

Moyens techniques : MASAO Productions

Voix narrateur : Christophe Gaillard

Voix Louis Rimbault : Jean Barat

Voix Nadaud : Marie-Désirée Martins

Musique : Florian Motteau

Stagiaires enregistrement sons : Albane Gaillard, Olive Motteau-Martins